Grues mobiles et sur chenilles

12 minutes - magazine 02 | 2024

Chapeau bas à la France !

Les chimères fantomatiques et les créatures mythiques faisant office de gargouilles sur les tours de Notre-Dame de Paris sont censées repousser les puissances du mal et du démon. Selon la légende, ces personnages grotesques protègent la ville et sa cathédrale située sur l’une des îles de la Seine, l’Île de la Cité, au coeur de la métropole française.

Cinq ans après l’incendie – Des grues mobiles Liebherr pour la reconstruction de Notre-Dame

Mais lors de l’incendie majeur du 15 avril 2019, ces gardiens de pierre ont manifestement été impuissants. L’incendie a en effet détruit une grande partie de l’édifice religieux vieux de 800 ans. L’ensemble de la flèche, des charpentes, des couvertures et d’une partie des voûtes a été détruit, dont la voûte de la croisée du transept, dans la chute de la flèche. Dès le lendemain de l’incendie, la phase de sécurisation de la cathédrale, qui s’est achevée en août 2021, est entreprise. En septembre 2021 s’ouvre la phase de restauration qui conduira à la réouverture de la cathédrale, en décembre.

Peu de temps après, le chantier de restauration de Notre-Dame de Paris a été entrepris avec un énorme dynamisme sous la maîtrise d’ouvrage : l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris, d’abord présidé par le général Georgelin, jusqu’à son décès accidentel, en août 2023, puis par Philippe Jost, ainsi que par la maîtrise d’oeuvre : Philippe Villeneuve, Pascal Prunet et Rémi Fromont, ACMH.

Dès la fin de l’année dernière, en décembre 2023, une grue Liebherr a participé à l’achèvement de la flèche de la cathédrale qui prend place sur la nouvelle charpente. Nos grues mobiles ont participé à la reconstruction de Notre-Dame dès le début.

Dans un effort collectif national, la France a accompli quelque chose d’incroyable avec la résurrection de sa cathédrale la plus emblématique. Le président de la République, Emmanuel Macron, a déclaré que les Français étaient un « Peuple de bâtisseurs » et que la reconstruction était l’affaire de tous : « Cinq ans ! » Cinq ans ! C’était le mot d’ordre d’Emmanuel Macron dès le lendemain de l’incendie, mot d’ordrequ’il a envoyé au monde entier. L’édifice gothique de l’Île de la Cité, cette petite île au milieu de Paris, devra alors renaître des ruines de l’incendie.

La LTM 1120-4.1 dépasse largement la nef de la cathédrale. Avec sa double flèche pliante de 19 mètres de long, réglable hydrauliquement au niveau de la flèche télescopique, cette grue est capable de transporter ses charges sur de longues distances, malgré son positionnement contre le mur de la cathédrale.

Une promesse audacieuse. Même la pandémie n’a pu que brièvement priver ce fier projet national de son élan présidentiel. La volonté absolue de la France d’accomplir le « miracle de la renaissance » de Notre-Dame, dont on a tant parlé, était irrépressible. Et la planification par un état-major de ce miracle est plus que légendaire. Pour ce faire, le président Macron a nommé le général Georgelin, un ancien chef d’état major des armée pour en faire son représentant spécial et conduire le chantier de restauration. Des architectes de renom du monde entier ont fourni des projets pour la reconstruction. Des experts en matériaux, des historiens et des sommités de la recherche ainsi que les meilleurs ingénieurs du pays se sont mobilisés. Les entreprises et artisans d’art les plus compétents de la « Grande Nation » ont été recrutés, à la suite d’une procédure des près de 150 appels d’offres lancée par l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris, maître d’ouvrage du chantier, les chênes les plus droits ont été recherchés, trouvés et abattus dans les forêts françaises. Les superlatifs s’enchaînent ici.

La lumière de la pleine lune et les surfaces d’échafaudage brillamment éclairées nous ont offert, ainsi qu’au cycliste qui prenait la photo en bas de l’image, ce cliché superbe. La flèche en treillis de la LTM 1350-6.1, longue de 66 mètres, est imposante.

Directement sur le bord du bâtiment

Une grue Liebherr au secours des apôtres

Nous sommes donc, chers lecteurs, un peu fiers que les grues mobiles utilisées pour ce projet unique portent notre logo. Elles ont été et seront jusqu’à la réouverture de la cathédrale, en décembre 2024, des outils importants pour la restauration de Notre-Dame de Paris. Dès le mois de décembre 2019, deux grues Liebherr de l’entreprise française Montagrues sont arrivées pour monter l’énorme grue à tour qui, depuis, marque de sa silhouette le paysage de l’Île de la Cité. Le 11 avril 2019, soit quatre jours seulement avant l’incendie, une grue mobile Liebherr de notre partenaire Foselev avait retiré de la flèche de la cathédrale les 16 statues monumentales des apôtres et des évangélistes en vue de leur restauration, ce qui a finalement permis de les sauver.

Traces de l’incendie : Encore à l’été 2023, des blocs de pierre portant des traces d’incendie sont toujours suspendus aux crochets des grues dans de grands filets. Cette pierre été extraite de l’intérieur de la cathédrale par la LTM 1120-4.1 présentée à droite. Deux de ces grues Liebherr compactes et maniables sont utilisées ici. La base d’appui variable permet d’installer les véhicules à l’intérieur de la bande étroite située entre la cathédrale et la clôture de chantier. Grâce au rayon de contrepoids réglable VarioBallast®, un pivotement est également possible dans cet espace.

Depuis le printemps 2022, l’entreprise de grue et de transport Dartus Levage est responsable des moyens de levage sur le chantier, après avoir été sélectionnée à l’issue d’une procédure d’appels d’offres émise par l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris, maître d’ouvrage du chantier. Outre quelques engins plus petits, deux grandes LTM 1350-6.1 dressent leurs immenses pylônes en treillis vers le ciel de la capitale. Elles approvisionnent les divers corps de métiers (charpentiers, maçons-tailleurs de pierre, couvreurs, etc.) et les échafaudeurs en matériel sur des portées énormes allant jusqu’à 80 mètres et jusqu’à des hauteurs de 107 mètres. La plupart du temps, des poutres en bois, des blocs de pierre ou des machines sont accrochés aux crochets de la grue. Les gargouilles, chimères, statues ou les croix sont également transportées par voie aérienne jusqu’à leur emplacement d’origine.

Quatre ans et demi après l’enfer, la flèche de Notre-Dame s’élève à nouveau vers le ciel. Ici, une LTM 1350-6.1 soulève la dernière partie de la flèche de la croisée reconstruite à l’identique. Quelques jours plus tard, la croix et le coq doré suivent, trônant à nouveau à près de cent mètres au-dessus de l’Île de la Cité. Dans son ventre, le coq dissimule des reliques et un parchemin sur lequel sont inscrits les noms des quelques 2 000 personnes qui depuis le début du chantier, à Paris et en région, ont participé à la renaissance de la cathédrale.

« La Flèche » pour Noël

Il a fallu requérir aux flèches télescopiques proposant les plus grandes hauteurs de travail pour recontruire la charpente de la flèche à l’identique de celle de Viollet-le-Duc. La pointe en filigrane de cette dernière s’élève à 96 mètres de hauteur et dépasse ainsi largement les deux tours en pierre de l’édifice religieux. Pour le montage de ses parties supérieures, la grue mobile située sur le côté nord de la cathédrale avait été équipée d’une volée variable de 78 mètres de long. Le président de la République s’est rendu sur le chantier le 8 décembre 2023, soit à un an de la réouverture programmée, pour constater l’avancée des travaux et remercier les compagnons. Lorsque le 16 décembre 2023, par un beau soleil d’hiver, le coq doré a été gruté sur la flèche, les femmes et les hommes du chantier n’ont pas été les seuls à faire la fête. La foule s’était massée pour applaudir depuis les rues adjacentes au chantier.

En bas, au sol, les opérateurs de Dartus vaquaient à leurs occupations. L’un d’eux est Christophe. Il se relaie avec son collègue Axel dans la cabine de la LTM 1350-6.1. Sur le côté sud, entre la cathédrale et la Seine, ils se tiennent prêts à tout moment avec leur grue pour exécuter les missions que leur confie les artisans, compagnons et échafaudeurs. Pendant une courte pause déjeuner, nous invitons les grutiers et les chefs de manoeuvre dans la rue d’Arcole, voisine de la cathédrale. Nous n’avons cependant pas beaucoup de temps pour discuter dans une jolie brasserie. Autour d’une petite collation, les hommes nous expliquent qu’en quittant le site, ils doivent se changer entièrement dans un sas et se doucher, en raison du protocole plomb qui a été mis en place depuis le début du chantier. En entrant sur le chantier, il faut bien sûr recommencer. Cela prend du temps. Après un dernier expresso, le travail reprend.

Reconstruction : Lorsque l’on regarde la Seine en direction du sud depuis le célèbre quartier du Marais, les grues Liebherr affairées et leurs charges font partie depuis plus de deux ans de la silhouette des deux imposantes tours de pierre de Notre-Dame. C’est la tour nord qui a été touchée. Dans la nuit de l’incendie, on a craint qu’elle s’effondre.

« L’étroitesse est un grand défi »

Si l’on compte les grutiers et leurs « chefs de manoeuvre » qui, au sol, sont chargés de contrôler l’élingage des charges et de guider la manoeuvrer des grues en toute sécurité, on compte certains jours jusqu’à 16 collaborateurs de Dartus Levage sur le site. « C’est aussi une nécessité, nous explique le dirigeant Victor Dartus, qui s’est rendu à Paris pour installer la flèche. Nous devons couvrir les besoins en personnel de sept heures du matin à neuf heures du soir en deux équipes. Nous avons tout de même utilisé sept grues mobiles depuis le début de notre intervention. Toutes des modèles Liebherr, d’ailleurs. Outre les deux grandes LTM 1350-6.1 de part et d’autre de la cathédrale, les grues à quatre essieux de 120 tonnes étaient et sont toujours nos principales machines ici. Si elles sont parfaites pour ce chantier, c’est parce qu’elles peuvent être mises en oeuvre très rapidement et installées presque partout autour de l’ouvrage. Le calage variable et aussi le contrepoids ajustable les rendent parfaitement flexibles. »

Victor Dartus : « Notre mission n’est pas encore tout à fait accomplie »

« Néanmoins, poursuit Victor Dartus, l’espace d’évolution restreint est ici un défi absolu pour tous. L’interaction complexe et simultanée d’un si grand nombre d’intervenants sur un chantier exigu s’accompagne de contraintes importantes pour les aires de grutage. Il est toujours laborieux de trouver des solutions optimales. Il est généralement très compliqué de mettre en place les grues ou de modifier la configuration des flèches sans perturber les travaux. Mais lorsque nous avons commencé ici, tout était encore plus difficile, car les mesures de sécurité étaient très élevées en raison de la présence de plomb due à l’incendie. »

La fin de l’année est proche

Jusqu’en novembre 2024 au moins, les grues Liebherr de Dartus Levage seront visibles autour de Notre-Dame. Le premier office religieux ouvert au public sera célébré dans la cathédrale le 8 décembre 2024. L’un des grutiers sera-t-il présent ? Qui sait ? Dans tous les cas, tous « sont honorés et fiers de participer à la restauration de la cathédrale emblématique et mondialement connue. »

On y va – cʼest lʼheure. Le regard sur la montre est obligatoire lors de notre petite séance photo avec les grutiers Christophe (à gauche) et Axel dans un charmant café près de Notre-Dame. Le travail attend.

C’est donc probablement en fin d’année que les hommes démonteront leurs grues et prendront le chemin du retour vers le sud-ouest du pays, là où se situe le siège opérationnel de l’entreprise. C’est aussi à ce moment-là que Christophe, Axel, Lyes ou Paul replieront pour la dernière fois la flèche de sa LTM 1350-6.1 sur ce lieu de travail qu’ils n’oublieront jamais. « Mais notre mission ici n’est pas encore tout à fait accomplie, indique Victor Dartus. Pour l’instant, nous devons encore nous concentrer pleinement sur notre travail. Je pense que nous ne pouvons pas encore mesurer aujourd’hui ce que cela signifie de travailler sur ce chantier historique du siècle. Mais dans quelques années, nous pourrons regarder avec satisfaction la part du travail que nous avons accomplie dans cette grande oeuvre. » La résurrection de Notre-Dame de Paris.

Pour suivre le chantier de la restauration de Notre-Dame de Paris :

  • site de létablissement public : rebatirnotredamedeparis.fr.
  • Sur Facebook : @rebatirnotredamedeparis
  • Sur Instagram : @rebatirnotredamedeparis
  • Sur LinkedIn : Etablissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris
  • Sur Youtube : Rebâtir Notre-Dame de Paris - YouTube

Cet article a été publié dans le magazine UpLoad 02 | 2024.

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