17 minutes | magazine 02/2022
Explorer de nouvelles pistes
À l'ère du changement climatique, nous aussi, chez Liebherr, travaillons à des solutions de processus de production durables et plus respectueux de l'environnement.
Expédition de grues par voie fluviale : essai de transport à faibles émissions sur les voies navigables
L'extension prévue de notre usine de grues, par exemple, doit être neutre en termes de CO2, de la construction, à la production jusqu’aux dépenses énergétiques et émissions. Quant à nos produits, une nouvelle grue compacte LTC équipée d'un moteur électrique supplémentaire pour le fonctionnement sur les chantiers sans émission de CO2, a vu le jour. Pour nous, la durabilité n’a pas de limite et nous explorons toutes les pistes, mêmes celles totalement nouvelles. Voici l’histoire d’un voyage extraordinaire : un trajet pilote de transport d’une grue tout-terrain Liebherr, destinée à l’exportation outre-mer, en « terrains inconnus ».
C'est parti - Dans le port industriel de Mannheim, la LRT 1090-2.1 embarque sur l'énorme ferry rhénan qui transporte la grue tout-terrain jusqu'à Anvers. Pour la grue mobile rouge à destination de la Grande-Bretagne (à gauche sur la photo), ce voyage en bateau se termine dans le port de Rotterdam.
L'usine Liebherr d'Ehingen fait partie des acteurs mondiaux en terme de technologie des grues mobiles et sur chenilles, mais aussi du nombre de grues vendues. C'est d'ici que partent nos produits dans le monde entier. Chaque année, environ 1.000 grues mobiles et sur chenilles quittent notre usine pour être chargées sur des navires océaniques dans l'un des grands ports maritimes, et la tendance est à la hausse. Les terminaux de Bremerhaven et de Hambourg sont les ports d'exportation que nous utilisons le plus. Nos grues mobiles effectuent généralement le trajet par leurs propres moyens. En revanche, les grues tout-terrain, les grues sur chenilles, certains prototypes ainsi que les composants de nos grandes grues doivent être acheminés vers les ports par de nombreux chargements de camions, souvent en tant que convois exceptionnels, au prix d'un effort logistique important. Nous avons récemment essayé de voir si cela pouvait fonctionner plus simplement et surtout de manières plus respectueuse de l’environnement.
Ohé du bateau ! Avec son imposante longueur de 214 mètres, la "Dynamica" commence son voyage de trois jours sur le Rhin, à Mannheim, vers Rotterdam, puis vers Anvers en Belgique via le canal Escaut-Rhin. Sur le pont supérieur et inférieur, outre quelques autres grues mobiles Liebherr et des tracteurs de camions, une centaine de tracteurs agricoles sont également à bord.
Une grue tout-terrain LRT 1090-2.1 destinée au marché nord-américain devait être livrée par bateau à Zeebrugge en Belgique. Ce concentré de puissance, adapté à une utilisation dans les mines à ciel ouvert ou sur les grands chantiers, avec son poids total imposant d'environ 55 tonnes, n'est pas homologué pour la route. Pour son transport, il est donc nécessaire de séparer la machine de base, y compris la tourelle et la flèche, d'une part, et les accessoires tels que les moufles à crochet et les blocs de lest, d'autre part. Mais au lieu de parcourir plus de 800 kilomètres pour un transport par semi-remorque jusqu'à la côte belge, le voyage s'est terminé après un tiers du trajet à Mannheim, à environ 80 kilomètres au sud de Francfort-sur-le-Main. Dans le port rhénan de cette ville, la grue a été conduite sur un énorme bac rhénan avec trois autres grues mobiles Liebherr à destination de la Grande-Bretagne, plusieurs nouveaux tracteurs routiers et près de 100 tracteurs agricoles. Le voyage sur le bateau fluvial de plus de 200 mètres de long a ensuite duré environ trois jours, en descendant le Rhin via Rotterdam et en continuant par le canal de l'Escaut au Rhin jusqu'à Anvers, le plus grand port de marchandises diverses du monde. C'est là que la LRT 1090-2.1 a été garée pendant une bonne semaine entre des milliers de voitures et de vastes aires de stationnement pour Breakbulk - c'est le terme technique pour les grosses marchandises en vrac.
L’océan ? On pourrait le croire. Mais en réalité, le lourd convoi poussé navigue ici sur le large estuaire de l'Escaut, en direction de la mer du Nord, avant de reprendre sa route vers les canaux intérieurs de la Belgique.
Covoiturage avec une pelle Minière
Notre grue a dû attendre, l’arrivée d'une pelle R 9400 produite par l'usine Liebherr de Colmar, en France. Cette énorme machine était également en route pour Anvers par voie fluviale. Avec les composants de cet engin minier, notre grue tout-terrain devait faire le reste du trajet sur un convoi poussé composé d'un remorqueur et d'un ponton RoRo. RoRo est l'abréviation anglaise de "Roll on Roll off". L'itinéraire prévu passait par le fleuve Escaut, à travers une partie du territoire néerlandais, en direction de la pleine mer et finalement sur les canaux intérieurs de Belgique, via Gand et Bruges, jusqu'au port d'outre-mer de Zeebrugge. L'armateur Wallenius Wilhelmsen, qui organise le transfert maritime d'appareils Liebherr dans le monde entier avec ses gigantesques navires de haute mer, était responsable du transport sur ce tronçon.
Sightseeing - Sur le canal Ringvaart qui longe la vieille ville de Bruges en Belgique, notre grue tout-terrain placée à l'avant de la barge passe également devant quelques ponts basculants et moulins à vent. Le pousseur passe devant l'ancienne porte de la ville, la "Kruispoort", vieille de 600 ans.
220 tonnes de technique Liebherr à bord
„Le groupe Liebherr est un partenaire important pour nous et fait partie de nos clients depuis de nombreuses décennies", explique Carsten Wendt de Wallenius Wilhelmsen. En tant que Senior Manager High & Heavy and Breakbulk Sales Germany, il s'occupe du transport de marchandises diverses pour la clientèle allemande et était responsable de la planification globale de l'essai de ce chargement à travers la Belgique. "Sur cette grande barge, nous avons suffisamment de surface de chargement pour la grue tout-terrain d'Ehingen ainsi que pour la pelle minière de Colmar", explique ce logisticien expérimenté. "Nous avons chargé les composants de l'excavatrice ainsi que les accessoires de la LRT 1090-2.1 sur un total de sept remorques à roulettes standard. Ils sont transportés sur le ponton, puis à Zeebrugge sur les navires de haute mer, sans que nous ayons à manipuler à nouveau les marchandises transbordées. La grue tout-terrain, en revanche, roule elle-même sur le ponton et, plus tard, sur le navire". La raison pour laquelle la LRT 1090-2.1 n'a pas pu commencer son voyage en mer depuis Anvers est simple : "Comme la grue d'Ehingen est destinée à l'Amérique du Nord, elle ne peut être chargée sur un de nos navires qu'à Zeebrugge. Depuis Anvers, nous nous rendons dans d'autres régions du monde".
Arrivée - Dans le port de Zeebrugge, la grue tout-terrain roule sur la rampe du ponton à terre. L'armateur Wallenius Wilhelmsen y dispose de son propre terminal, où sont chargés ses navires de haute mer à destination de l'Amérique du Nord.
Wendt était déjà présent lors du chargement de la barge à Anvers : "Après la longue phase de planification, je voulais savoir si le chargement des marchandises de détail sur le ponton fonctionnait bien ici, ou, si nous risquions de tomber dans des pièges logistiques auxquels nous n'aurions peut-être pas pensé". Mais après à peine deux heures, tout le matériel a été roulé sans effort sur le bateau et arrimé en toute sécurité. La marche d'essai avec un total de 220 tonnes de savoir-faire Liebherr pouvait commencer.
D'Ehingen à Zeebrugge avec un seul arrêt
Pour faire court, le plan de Wendt a fonctionné à merveille. Environ deux jours et 150 kilomètres d'eau plus tard, le puissant pousseur avait manœuvré son ponton précontraint sur les canaux intérieurs belges et était arrivé avec son lourd équipement au terminal de la compagnie maritime à Zeebrugge. Les temps d'attente en cas de circulation en sens inverse, aux écluses et aux ponts rabattables ont quelque peu fait baisser la vitesse moyenne du convoi poussé. Jens Bachmann, chef d'équipe pour l'expédition des grues à l'usine Liebherr d'Ehingen, relativise toutefois le temps nécessaire pour la voie fluviale par rapport au transport routier : "En raison de l'augmentation constante du trafic, des détours de plus en plus importants dus aux ponts d'autoroute en mauvais état et des processus d'autorisation complexes pour les transports lourds, nous considérons l'option du ferry et de la barge comme une véritable alternative". Le responsable des expéditions Benjamin Buchmüller ajoute : "La solution de Wallenius Wilhelmsen avec la barge RoRo nous permet d'atteindre les ports d'Anvers et de Zeebrugge avec un seul arrêt et de livrer encore plus de cargaisons sur des bateaux fluviaux respectueux de l'environnement".
La compagnie maritime elle-même tire un bilan très similaire : "La planification et la préparation méticuleuses ont porté leurs fruits, tout a parfaitement fonctionné", se réjouit Carsten Wendt après que la grue tout-terrain et la remorque roulante ont été déchargées en un temps record sur la rampe du ponton au terminal de Zeebrugge. La compagnie de navigation voit dans ce test réussi une motivation et une opportunité générale pour une alternative de transport plus écologique avec moins d'émissions de dioxyde de carbone. Ainsi, à l'avenir, non seulement les transports de conteneurs, mais aussi les marchandises de détail pourraient être transférés de la route vers les voies navigables intérieures. "D'une part, l'État belge a tout intérêt à retirer le trafic des routes souvent encombrées, d'autre part, la disponibilité de la capacité des camions est actuellement un problème supplémentaire important".
Entretien-bilan - Carsten Wendt, Senior Manager High & Heavy and Breakbulk Sales Germany, à droite sur la photo, et Werner van Dessel, Manager Sales Development pour la zone économique Europe-Arabie-Afrique (tous deux de Wallenius Wilhelmsen) tirent un bilan positif après le transport intérieur réalisé de main de maître. Selon van Dessel, dix à douze transports routiers auraient été nécessaires pour le volume de chargement transporté.
50 % d'émissions de CO₂ en moins entre Anvers et Zeebrugge
Chez Liebherr, nous sommes en train d'analyser en profondeur le trajet pilote qui vient de se dérouler. Nous pouvons d'ores et déjà tirer un bilan positif de cet essai, tant sur le plan écologique qu'économique. "Cette solution de transport est désormais une véritable alternative pour nous", confirme Jens Bachmann. "Nous expédions déjà environ160 grues par an via le port de Mannheim. Deux fois par semaine, des ferries vont jusqu'à Rotterdam et Anvers. Il est désormais possible d’atteindre le terminal de Zeebrugge par voie fluviale". La barge du convoi poussé traversant la Belgique pourrait accueillir jusqu'à neuf grues.
Le meilleur pour la fin : Wallenius Wilhelmsen a calculé à combien s'élève le potentiel d'économie de dioxyde de carbone pour le trajet entre Anvers et Zeebrugge. Carsten Wendt résume : "Nous avons pu constater de manière positive que cette variante par voie fluviale entraîne une réduction de moitié des émissions de CO₂ par rapport à la solution traditionnelle avec des camions".
... suivi
Jens Bachmann (à gauche), chef d'équipe des expéditions de grues chez Liebherr à Ehingen, et Benjamin Buchmüller (à droite), responsable des expéditions, nous donnent un aperçu supplémentaire de l'alternative consistant à transporter des grues et des équipements par voie fluviale.
Pour quelle raison avez-vous cherché de nouvelles voies de transport comme alternative à la route ?
Benjamin Buchmüller: En principe, la recherche de nouvelles voies de transport ou de voies de transport améliorées d'un point de vue économique et écologique fait partie des tâches principales du service expédition. Dans ce cas particulier, il s'agissait avant tout de trouver une alternative à nos ports d'exportation les plus utilisés, Bremerhaven et Hambourg, que nous pouvons atteindre par voie fluviale. Heureusement, le thème de la "durabilité" prend de plus en plus d'importance dans le domaine du transport. De plus, le trajet par la route entre Ehingen, Bremerhaven et Hambourg est de plus en plus long et difficile. Les problèmes d'infrastructure, notamment les ponts délabrés et surchargés, font que les trajets autorisés par les autorités pour nos transports sont de plus en plus longs et les conditions de plus en plus difficiles.
Que sont les ponts allégés ?
Jens Bachmann: Afin de ménager les ponts plus anciens ou ceux qui présentent déjà des des signes d’usure, le poids maximal des véhicules est limité. Les grues mobiles et les transports lourds doivent alors faire des détours conséquents. Le trajet direct de notre usine d'Ehingen à Bremerhaven serait d'environ 800 kilomètres, mais la distance autorisée pour nos transports peut actuellement atteindre 1.190 kilomètres, selon le type de grue. C'est contraire à la notion de durabilité.
Benjamin Buchmüller: Les transferts de grue roulant de manière autonome ou les transports par semi-remorque surbaissée sont des transports dits de grande capacité ou convoyages lourds, pour lesquels nous avons besoin d'une autorisation de circulation officielle. Sans celle-ci, nos engins ne peuvent pas quitter l’usine. Cette autorisation de circulation définit en détail l'itinéraire dont il ne faut pas s'écarter. Par exemple, elle définit précisément les heures auxquelles il est permis ou non de conduire, si un second chauffeur est nécessaire, quelle vitesse et quelle distance doivent être respectées sur les ponts, et si une voiture pilote ou la police doit escorter le transport.
Jens Bachmann: Plus l'infrastructure vers les ports se dégrade, ce qui est de plus en plus le cas, plus nous devons prévoir de contournements, ce qui implique, outre une distance plus importante, des coûts plus élevés pour le carburant, le personnel et les escortes de transport. De plus, il nous est de plus en plus difficile d'obtenir les camions dans le temps imparti et dans les quantités requises.
Quelle est donc la meilleure alternative ?
Benjamin Buchmüller: Entre autres, le transport par voie d'eau. Le port le plus proche pour nous se trouve à Mannheim, à environ 200 kilomètres. De là, un ferry circule deux fois par semaine pour acheminer les tracteurs et les camions des usines locales vers les ports de Rotterdam et d'Anvers, et peut également charger sans problème notre équipement de base. Par rapport aux transports vers Bremerhaven, le trajet via Mannheim nous permet d'économiser environ 560 kilomètres que nos grues auraient parcourus de manière autonome ou sur une remorque surbaissée. Le ferry rhénan de Mannheim vers Rotterdam et Anvers s'est établi chez nous depuis des années. Rien que l'année dernière, nous avons chargé plus de 160 grues par cette voie, ce qui nous a permis d'économiser beaucoup de frais de transport et de CO₂.
Jaune : conduite sur route - Bleu : voies navigables
Vous qualifiez de projet pilote le transport de la grue tout-terrain LRT vers le port d'outre-mer de Zeebrugge. En quoi est-ce une nouveauté ?
Jens Bachmann: Le défi était que le ferry rhénan au départ de Mannheim ne se rendait pas à Zeebrugge, d'une part parce qu'il n'était pas adapté à la haute mer et d'autre part parce qu'il était trop grand pour les canaux intérieurs belges ainsi que leurs écluses. Or, pour l'exportation de nos appareils dans le monde entier, les ports occidentaux ne constituent une alternative adéquate que si nous pouvons atteindre Anvers et Zeebrugge de la même manière. Il fallait donc combler cette lacune.
Benjamin Buchmüller: Depuis un certain temps, notre société sœur Liebherr-Mining Equipment Colmar SAS utilise elle aussi presque exclusivement des bateaux fluviaux de Neuf-Brisach pour ses transports vers les ports. Comme pour le ferry RoRo de Mannheim, le transport vers Zeebrugge n'est cependant pas possible ici. Lors d'une discussion commune avec l'armateur Wallenius Wilhelmsen Ocean AS, l'idée est donc née de relier les ports d'Anvers et de Zeebrugge par barge RoRo. L'armateur a ainsi vu l'opportunité de générer des chargements Liebherr supplémentaires pour son port de chargement de Zeebrugge. Et Liebherr-Mining Equipment Colmar SAS a été immédiatement séduit par l'idée.
Votre conclusion ?
Jens Bachmann: La phase d'essai s'est déjà très bien déroulée. La collaboration avec nos partenaires a été excellente. Bien sûr, il reste encore des points à améliorer à l'un ou l'autre endroit.
Benjamin Buchmüller: Le transport de la LRT 1090-2.1 par remorque surbaissée de notre usine vers Mannheim, puis par barge jusqu'à Anvers et enfin par barge roulante jusqu'à Zeebrugge a coûté plus de 30 pour cent de moins qu'un transport par remorque surbaissée directement d'Ehingen à Zeebrugge. Et nous avons ainsi pu économiser environ 28 pour cent de gaz à effet de serre. Cela s’inscrit dans une démarche durable !
L'itinéraire de transport par voie fluviale vers le port d'outre-mer de Zeebrugge est une très bonne alternative de transport pour la livraison aux clients d'outre-mer. L'exemple de la LRT est transposable à d'autres grues mobiles et constitue une réelle solution au problème urgent du transfert des transports de la route vers l'eau.
Cet article a été publié dans le magazine UpLoad 02 | 2022.